Le gouvernement nous prépare-t-il une petite révolution girondine au travers de son projet d’inscrire le droit à la différenciation dans la constitution, une rupture avec le modèle de la République une et indivisible, toujours inscrit dans la loi fondamentale, un modèle qui se veut d’unir les « mêmes » et non les « différents ».
Le droit à la différence, c’est une notion philosophique qui relève du droit naturel. C’est le droit d’être différent, un droit pour chacun, individu ou collectivité. Le droit à la différence est donc un droit à l’égalité. Il n’implique pas la différence des droits. Dans une globalité donnée chaque particularité doit avoir les mêmes droits de vivre sa différence, tout en partageant ce qui est, ce qui doit être commun à toutes les particularités, c’est-à-dire le vivre ensemble.
La logique de la différence nécessite de la positiver dans le droit. La logique du droit nécessite d’accorder les mêmes droits à tous. Si le droit à la différence de l’un commence là où commence celui de l’autre, le droit à la différence de l’un s’arrête là où commence la nécessaire prise en compte de l’autre, là où commence l’union de tous. Dans cette mesure, le droit à la différence est un droit à l’altérité.
Le droit à la différenciation, c’est l’inscription du droit à la différence dans le droit. Le droit à la différence, c’est une notion philosophique qui relève du droit naturel. C’est le droit d’être différent, un droit pour chacun, individu ou collectivité. Le droit à la différence est donc un droit à l’égalité.
Le droit à la différenciation, c’est une notion politique qui relève du droit positif. C’est le droit de gérer la différence, sa différence. Jusqu’à présent, il existait le droit à l’expérimentation, c’est-à-dire la possibilité de déroger à la règle commune à condition que l’expérimentation puisse être généralisée au bout de deux ans. Concernant le droit à la différenciation, il serait durable. Et, s’il existe déjà pour les collectivités ultramarines, il serait applicable aux collectivités de l’hexagone.
Le temps est-il véritablement venu pour le pouvoir de substituer le droit à la différence à l’obligation de l’uniformité, de renoncer au républicanisme jacobin qui a largement créé des « territoires » neutres d’histoire, sans identité, sans réel pouvoir et ayant tous les mêmes propriétés ou presque, au profit d’une nouvelle gouvernance et d’un renouvellement démocratique fondé sur l’acceptation de la pluralité et de la multipolarité ?
Voudra-t-on enfin considérer que la (re)légitimation de l’État et son efficacité résultent en premier du partage du pouvoir, de son rapprochement de ceux qui le subissent et de la participation que ce partage génère. Voudra-t-on enfin ne plus sous-estimer la permanence du besoin de solidarité et d’appartenance de proximité dont la satisfaction est garante de lien social. Voudra-t-on enfin inclure le fait régional en conférant aux régions un véritable pouvoir et en établissant une réelle responsabilité-solidarité dans la vie de la nation en vertu du principe de subsidiarité. Ces dernières devraient alors se voir reconnaître de nouvelles et réelles compétences leur permettant de définir et de gérer par elles-mêmes leurs besoins et intérêts propres, tout en étant, cela va de soi, unis avec le reste de la nation sur l’essentiel à savoir la primauté des principes universels de droit, de justice, de liberté et de solidarité. Tous unis, tous divers, tous unis dans la diversité!
Quoi qu’il en soit, ne faisons pas la fine bouche. L’Alsace aurait beaucoup à attendre de l’élargissement démocratique qu’apporterait le droit à la différenciation. Elle se doit de s’insérer dans le mouvement qui se dessine et d’y prendre sa part. Elle se doit de saisir l’opportunité pour faire valoir ses particularités-potentialités et ses propositions. Elle se doit de demander un droit à la différenciation pour elle-même et de le faire inscrire dans la Constitution.
Pierre Klein