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Nous avons changé d’époque. Il fut un temps où une bonne partie de la classe politique alsacienne se retrouvait avec une bonne partie du mouvement syndical d’enseignants et évidemment avec le mouvement culturel pour exprimer un souci commun, non seulement de la préservation de l’identité alsacienne, mais aussi de son (re)déploiement[1]et pour dire aussi combien un enseignement de l’histoire et de la culture régionales était important et nécessaire, car les identités collectives, alsacienne en particulier, sont des constructions opérées au travers de la socialisation, notamment par l’école et les médias, en fonction d’une stratégie identitaire. Tous avaient en tête l’idée selon laquelle, on ne naît pas Alsacien, mais que l’on pouvait le devenir dans la mesure où l’on pouvait s’approprier les éléments identificatoires alsaciens.
Cette revendication majeure a rencontré, s’agissant de l’école, la compréhension du recteur de l’Académie de l’époque, Pierre Deyon, qui, en plus de créer une option Langue et culture régionales (LCR) a organisé au sein de l’école un vrai et large débat à leur sujet. Certes une généralisation de ce champ pédagogique à toute la population scolaire, qui au cours de la scolarité devait être instruite en particulier sur les riches heures de la culture alsacienne, était demandée. Mais c’était déjà cela.
Au fil du temps, l’option devenue « Culture régionale » n’a cessé de voir ses effectifs régresser, faute d’être promue, au point que, de nos jours, seuls 789 lycéens sur quelque 60000 et près de 3900 collégiens sur quelque 90 000 la suivaient encore. À la rentrée 2025, elle ne sera plus mise en œuvre, faute d’être financée, notamment par la Collectivité européenne d’Alsace (CeA).
Dans un article paru dans les DNA du 16 juillet, monsieur Nicolas Matt, vice-président de la CeA, en charge du bilinguisme, justifiait l’arrêt du financement de l’option par ces termes « L’essentiel est de consolider les actions en faveur du premier cycle, comme les -mercredis du bilinguisme- sur le temps du périscolaire, de soutenir les échanges de collégiens de part et d’autre du Rhin, ainsi que les actions susceptibles d’augmenter le vivier d’enseignants en allemand, sans oublier le développement des sites immersifs… ».
Nous ne saurions critiquer la volonté énoncée d’agir en faveur du bilinguisme. Qu’il soit cependant entendu que la langue régionale ne peut être dissociée de ses éléments sociohistoriques et socioculturels et qu’il est impératif de ne pas continuer à isoler son enseignement des réalités régionales.
La langue régionale et l’histoire et la culture régionales sont interconnectées et nécessitent un soutien mutuel. Il ne peut y avoir de véritable valorisation de l’une sans celle des autres. La pérennité et la promotion de la première dépendent étroitement de la pérennité et de la promotion des secondes.
Nous espérons que la CeA, agira par elle-même et auprès de l’Éducation nationale pour qu’une place soit pleinement réservée à l’histoire et à la culture régionales à l’école et en-dehors de l’école.
Nous espérons que malgré la cessation du financement, la CeA a néanmoins saisi l’importance de leur connaissance quant à la construction identitaire alsacienne ! Que l’affirmation même d’une identité collective alsacienne ne lui pose problème ? Qu’elle se soit dégagée du fameux complexe alsacien et du -surtout ne pas déplaire à Paris- qui tient fort à une francité fondée sur l’un, à savoir sur une langue, une histoire et une culture au détriment d’une francitude qui, elle reposerait sur la reconnaissance des identités régionales !? Qu’elle a pris conscience du processus de déconstruction, entamée en 1945, de pans entiers de la germanophonie alsacienne et de la culture qui s’y rapporte et mette en œuvre les mesures en faveur d’une réappropriation pour aujourd’hui et demain. Et si ses pouvoirs et moyens n’y suffisent pas, qu’elle en demande davantage. L’Alsace aurait tout à y gagner, la France aussi d’ailleurs.
Pierre Klein, président
[1] Voir à ce sujet nombre de motions adoptées par les CG du 67 et du 68, la plateforme de Sélestat, la cahier -Enseigner en Alsace, enseigner l’Alsace- du SGEN-CFDT, les publications du mouvement culturel…